samedi 27 mai 2017

Lettre à Jean-Michel Blanquer

Monsieur le Ministre de l'Education Nationale,


Je n'ai pas pour habitude d'écrire aux ministres, au Président ou même à la NASA, mais là, il me semblait important qu'on pose deux trois trucs rapidement.

Je suis enseignante depuis 2004 dans le premier degré. J'aime mon métier, j'y suis totalement dévouée, (la preuve je vous écris alors que c'est le grand pont de l'ascension). 

L'école a été totalement refondée ces dernières années, bien que pas assez à mon goût. Je me suis toujours pliée aux nouvelles lois, aux nouveaux textes. J'ai commencé avec les programmes de 2002, puis avant même qu'une classe d'âge ait testé ces programmes (que les Petites Sections arrivent en CM2)on les a changés, puis encore une fois. 

J'ai bien compris que vous ne vouliez pas de nouvelle loi sur l'école, que vous ne vouliez pas refonder (encore) les programmes. Encore heureux, on n'a pas fini de les lire.

Mais là, l'histoire des devoirs qu'on fait à l'école, c'est pas possible.

Si on lit l'histoire de l'école, les devoirs ne sont plus autorisés à la maison depuis que mon père est rentré à l'école. (J'ai 36 ans, donc ça remonte à très loin). 

Cependant, on a toujours donné des devoirs, parce que sinon les parents ralaient ("oh ils ne font rien dans cette école, le gamin n'a jamais de devoirs", "cette feignasse de maîtresse doit passer son temps à se faire les ongles car ils ne ramènent jamais rien à la maison".....)

Pour ma part, je donne les devoirs à la semaine, et si les élèves en ont pour plus de 20 minutes, c'est qu'ils ont choisi de ne pas faire d'efforts. Il y a une opération à faire (une seule) (je précise que je suis en CM1-CM2), des leçons à revoir (car s'ils ont écouté en classe, elle est déjà apprise), et des mots à apprendre (16 par semaine, ce qui est somme toute pas énorme). 

Et encore, les parents se plaignent car ce n'est vraiment pas les préparer au collège que de donner que ça (bon après quand ils seront faits correctement j'en donnerai peut-être plus)

Je viens de pointer un fait indéniable: quand ils seront faits (correctement)
source: Jack Koch 

Cependant, faire faire les devoirs à l'école, c'est encore dédouaner les parents de leur rôle. 

En effet, s'il pouvait y avoir un Drive à l'école, genre "je jette mon gamin à l'école le matin sans sortir de ma voiture et surtout le soir je n'ai plus qu'à ralentir devant l'école pour qu'il grimpe dans la bagnole", ça arrangerait beaucoup de parents. 

Les parents hurlent sans arrêt sur les enseignants, on est des incapables, on ne sait pas s'occuper de leur chérubins d'amour, on est trop durs, trop laxistes, trop sévères, trop fénéants, trop ceci trop cela. 

Jamais ils ne se remettent en cause du genre "peut être que mon gamin devrait se coucher avant minuit en CE2" ou "peut-être qu'effectivement la PS4 n'est pas la meilleure nounou pour mon gamin"
Non, si leur Jean-Yacine est affalé sur sa table dès 9h le matin pendant que l'enseignant rame à motiver les troupes, c'est parce que les feignasses d'enseignants ne savent pas y faire. Si Lola-Bernadette n'a pas fait sa division hier soir, c'est parce qu'il faisait beau et qu'on a pris l'apéro et qu'on avait autre chose à foutre. 

Donner des devoirs à la maison, même une quantité infime, c'est donner aux parents leur place dans l'éducation de leurs enfants. Place que certains donnent volontiers (quand tu te retrouves à faire les lacets des CM2, ya quand même un loup quelque part, non?)

Puis soit dit entre nous, ya des fois, quand je lis certains mots de parents, je me dis que la leçon d'orthographe, ça ne peut pas leur faire de mal de la relire.

De plus, si j'écoute bien vos propos, vous voulez aussi faire faire les devoirs du collège avant de rentrer à la maison. Mais que va-t-il se passer quand ils vont rentrer au lycée? Ils vont s'écrouler, ils ne sauront pas faire car on leur aura pris la main depuis le départ. Que sauront-ils du travail personnel? Comment feront-ils une fois dans l'âge adulte lorsqu'il y aura un dossier à finir absolument et qu'inévitablement ils devront le ramener pour le finir à la maison? Je vois déjà bien d'ici le "ah non, mon boss n'était pas là pour superviser mon dossier, je ne peux pas faire/ je ne sais pas faire".

Puis entre nous, Monsieur le Ministre, est-ce pensable de faire réviser les tables de multiplication quand il y aura 30 gamins avec leur journée d'école dans les pattes, dans la même salle. 

Certains enfants ont besoin de goûter, se détendre un peu avant de se mettre aux devoirs. 

Je suis maman, oui ya des jours où j'étranglerais la maîtresse car ya encore ces foutus mots invariables à réviser, mais au moins je sais ce que fait ma gamine en classe, où elle en est et c'est aussi un moment privilégié que nous passons toutes les deux. 

Je vous entends de là: oui mais t'es enseignante, tu rentres à 16h! T'as le temps!! 
=>Je suis maman solo, je jongle avec les enfants à récupérer à l'école, les activités sportives, mes réunions (je suis directrice, donc j'enchaîne les réunions avec la mairie, avec le collège, avec mon équipe, avec les parents) les repas, les courses, le ménage, mes corrections, mes préparations (oui moi aussi je ramène des devoirs à la maison), ma journée se termine bien souvent vers 22h, mais je tiens à faire faire les devoirs à ma fille. 


Nous sommes fin mai, la rentrée est dans 3 mois, prenez le temps de la réflexion, ne faites pas les choses trop hâtivement. 

Bien cordialement, 


Maman Schtroumph


PS: Si le vrai Monsieur Blanquer lit cet article, il ne faut surtout pas hésiter à commenter ou à me répondre à l'adresse: mamanschtroumph@gmail.com

PS2: quand je dis les parents râlent, je ne parle pas de TOUS les parents, ceux qui ne râlent pas ne voient pas d'inconvénients à faire faire les devoirs (et nous laissent enseigner)

3 commentaires:

  1. bonjour, je tombe sur votre blog par hasard car je recherchais depuis des lustres le titre d'un livre pour enfant qui moi aussi m'avait mis la larme à l'oeil "un beau jour"... donc déjà MERCI! grâce à vous, j'ai retrouvé le livre que je voulais tant acheté pour mes filles... bon pas de chance, rupture de stock... Quant à votre article, il me fait bien plaisir, et bien rire! effectivement, je n'ai pas du tout envie que les leçons soient faits en classe. Ma fille va rentrer en CE1, le CP s'est très bien passé, mais entant qu'enfant HP, l'école est un calvaire pour elle, et les leçons... un supplice total... donc pour qu'ils soient faits, je mets tout en place pour que les conditions soient optimales! 2h de sas de décompressions pour qu'elle puisse déconnecter de l'école, qu'elle goûte, jour, dessine... et une méthodologie bien à elle, car sinon, c'est l'angoisse pour nous deux. Alors avec tout le respect que je dois au corps enseignant et aux staffs d'animateurs, ma fille va juste péter un câble si elle doit en plus les faire à l'école! laissons les mômes faire les choses par eux-mêmes à leur rythme au moins quand ils sont chez eux! et je suis bien d'accord avec vous.. arrêtons d'assister les enfants à tout bout de champ et encore plus les parents!! quand passent-ils du temps avec leurs enfants sinon? la tête reposée, à partager quelque chose? Je sais, pas évident d'être parents, de tout à avoir à gérer mais quand même! Je vous rejoints aussi sur les devoirs à la maison. Oui ils sont interdits, et ma fille s'en porterait mieux si elle n'en avait pas du tout. Mais cette année, elle n'avait que des leçons orales ( lire, apprendre des mots..) et je trouvais ça très bien! A la semaine, comme vous le faites, c'est parfait! ils peuvent s'organiser comme ils veulent! Bref, merci pour cet article entant qu'enseignante.
    une maman qui suit la scolarité de ses enfants, et qui reconnait le travail des enseignant-es..

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    1. Bonjour Camille,
      Je vois votre commentaire aujourd'hui seulement, car la famille Schtroumph était partie en vacances.
      Je vous remercie pour votre commentaire et suis ravie que vous ayez retrouvé le livre que vous cherchiez.
      A bientôt sur le blog, j'espère

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